café brûlant
Il est entré, elle a su, aussitôt, qu’elle cèderait. Pourtant, trois mois plus tard, confrontée à un choix qui l'agacerait, elle regretterait sans doute un instant de n’être pas restée de marbre.
La matinée s’engluait dans la fosse béante et sans fond de ces journées que l’on croit ne jamais voir finir. Seule alors, la mise en scène précise de sa propre disparition peut apporter un soulagement à la douleur tapie au fond de chaque cellule, qui imprègne la pensée, limite le mouvement, écrase le coeur et les poumons. On imagine un stratagème : une boîte de phénobarbital, une lame de rasoir, une voiture la nuit, un chemin forestier. Il faudra du temps avant que l’on me retrouve. On sourit.
Il a sonné. Jeune, les yeux noirs et brillants. Teint sombre et voix très douce. Par habitude elle a proposé un café qu’il a accepté sans hésiter. Légèrement renversé sur sa chaise, pour regarder autour de lui, il a capté son attention. Il a commenté avec humour les livres qui se trouvaient là, un peu partout, dans la cuisine.
Elle s’est surprise à caresser quelque pensée coquine, effleurant de la pulpe la rondeur d’une épaule lisse et délicate. Ses yeux cependant montraient une écoute sans faille, et son oreille se laissait bercer.
Il lui a raconté les appartements visités chaque jour. Il lui a dit, les familles rencontrées là, le dénuement de certaines, la peur légère qu’il éprouve parfois. Elle a posé des questions sur son jeune âge, ses talents et ses perspectives d’avenir. Le café et les mots coulaient avec chaleur dans ses veines. Elle cèderait.
Elle a pris la carte France Loisirs